RAPPORT ALTERNATIF DE SUIVI DE LA MISE EN ŒUVRE DE L’AGENDA 2030 AU BENIN, EDITION 2019 (05)
















Cible 5.1 : Mettre fin, partout dans le monde, à toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes et des filles
Cible 5.5 : Veiller à ce que les femmes participent pleinement et effectivement aux fonctions de direction à tous les niveaux de décision, dans la vie politique, économique et publique, et y accèdent sur un pied d'égalité

Cible 5.1 : Malgré l’existence de cadre juridique visant à promouvoir, faire respecter et suivre l'application des principes d'égalité des sexes et de non-discrimination fondée sur le sexe, les résultats en matière de lutte contre les discriminations à l'égard des femmes et des filles restent très loin des attentes.
Au Bénin, la participation politique des femmes est perçue comme une préoccupation qui trouve sa réponse aux cœurs des valeurs culturelles et sociologiques. Lesdites valeurs ne reconnaissent de place légitime à la femme qu’au sein de la famille. Il en découle un problème d’inégalité sociale qui a bénéficié pour sa résolution, d’une législation favorable sur les plans national, régional et international.
Au plan national, plusieurs lois ont été votées. Il s’agit de : (i) la loi N° 90-32 du 11 décembre 1990 portant Constitution de la République du Bénin ; (ii) les lois sur la décentralisation notamment, la loi N°97-029 du 19 janvier 1999 portant création, suppression, dénomination et fusion des communes, organisation du fonctionnement et compétence des communes du Bénin qui fixe en son article 12 la composition des membres du conseil communal ; (iii) la loi N° 2004-07 du 24 août 2004, portant Code des Personnes et de la Famille en République du Bénin qui a repris les principes égalitaires que l’on retrouve dans la Constitution ; (iv) la loi N°2006- 19 du 5 septembre 2006 portant répression du harcèlement sexuel et protection des victimes ; (v) la loi N° 2013-06 du 25 novembre 2013 portant Code électoral en République du Bénin ; (vi) le code électoral adopté le 03 Septembre 2018 ; (vii) la loi N°2018-23 portant nouvelle charte de partis politiques en République du Bénin.
Au titre des instruments régionaux et internationaux promouvant la participation politique des femmes, on peut citer : (i) la Charte des Nations Unies adoptée en 1945 qui a institué le principe de l’égalité entre les hommes et les femmes ; (ii) la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme du 10 décembre 1948 ; (iii) le Pacte relatif aux droits civils et politiques du 16 décembre 1966 ratifié par le Bénin le 12 mars 1992 ; (iv) la Convention sur l’Elimination de toutes les Formes de Discriminations à l’Egard des Femmes (CEDEF) ratifiée le 12 mars 1992 ; (v) la Plateforme d’Action de Beijing de septembre 1995 ; (vi) la Charte Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples adoptée à Nairobi le 18 juin 1981 et ratifiée par le Bénin le 20 janvier 1986 ; (vii) le protocole à la Charte Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples relatif aux droits des femmes, adopté à Maputo le 11 juillet 2003 ; (viii) l’Acte Additionnel du 02 Mai 2015 relatif à l’Egalité de Droits entre les Femmes et les Hommes pour le Développement Durable dans l’Espace CEDEAO ; et (ix) la Déclaration de Dakar sur la mise en œuvre de la Résolution 1325 en Afrique de l’Ouest adoptée le 17 Septembre 2010.
Tableau 58 : Situation des indicateurs relatifs à la discrimination à l’égard des femmes
Indicateurs
2015
2016
2017
2018
Présence ou absence d'un cadre juridique visant à promouvoir, faire respecter et suivre l'application des principes d'égalité des sexes et de non-discrimination fondée sur le sexe
1
1
1
1
Indice de la Condition de la Femme
0,607
-
-
-
Proportion de femme et de fille âgée de 15 à 49 ans ayant subi une mutilation ou ablation génitale
-
-
-
-
Proportion de femmes âgée de 20 à 24 ans mariées ou en unions avant l’âge de 18 ans
24,9
-
-
29,3
Nombre de cas relatifs à la violence sexuelle reçus dans les structures de prise en charge
856
920
1055
2 321
Sources : INSAE, MICS 2014, EDSB 2017-2018, juillet 2018
A la suite de la promulgation de la loi N°2003-03 du 3 mars 2003, portant répression de la pratique de mutilations génitales féminines qui définit les mutilations génitales et prévoit les sanctions applicables aux auteurs, aux complices et aux personnes sur qui pèse le devoir de dénoncer la pratique, il y a eu une sensible régression du phénomène d’après le rapport de l’étude monographique sur la participation politique des femmes en Afrique de l’Ouest (cas du Bénin).
D’après ce rapport, les mutilations génitales féminines se pratiquent désormais de façon saisonnière. A cette allure, la fin de cette pratique ne sera pas une réalité puisque les arguments développés pour mettre fin à ladite pratique dans les différentes localités concernées ne prenaient pas en compte la menace de « représailles par les divinités » qui plane sur les filles non excisées des groupes socioculturels concernés.
Face à cette situation, la pratique est devenue clandestine par endroit. Toutefois, depuis mai 2017, les communautés « Waama » de Toucountouna, de Tora et de Manoungou (Tanguiéta) ont riposté. D’après le même rapport, lesdites communautés ont déclaré ouvertement, avec une lettre adressée à la Présidence de la République par l’intermédiaire de la Préfecture de Natitingou qu’elles ne peuvent pas sacrifier leur peuple pour satisfaire à la « ruse du Blanc » qui les empêche de pratiquer leur culture. Elles justifient leur décision par l’enregistrement quotidien de décès et des maladies du fait des fétiches fâchés par la cessation des cérémonies d’excision. Les localités qui essayaient de respecter la loi du 3 mars 2003, ne sont non plus d’accord de la suppression des mutilations génitales de leur tradition. Mais, elles font l’effort de s’adapter pour éviter des soulèvements en cas de riposte suite à la répression qui résulterait de la pratique des mutilations génitales.
Aussi, malgré cet arsenal juridique assez riche en matière de protection et de défense des droits de la femme et de la fille et surtout l'existence de textes de lois spécifiques incriminant les actes de violences perpétrés sur les femmes et les filles, les violations des droits de la femme et de la fille subsistent-elles. Malgré les efforts fournis par les ONG et autres institutions de défense des droits de la personne, on note avec persistance des faits et actes qui ne sont pas en faveur de la diminution des violences faites aux femmes et aux filles. Les mariages précoces et forcés (incluant des mariages par échange et des mariages par rapt), par exemple, sont présents dans la quasi-totalité des soixante-dix-sept (77) communes du Bénin[1].
En matière de mariage ou d’unions le Code des Personnes et de la Famille du Bénin fixe l’âge minimal au mariage à 18 ans en son article 123. Toutefois, on note que les dispositions de ce Code ne sont pas toujours respectées au Bénin. En effet, d’après les résultats de l’enquête MICS de 2014 (UNICEF/INSAE 2014), 8,8% des femmes et 1,4% des hommes âgés de 15 à 49 ans étaient mariés ou vivaient déjà en concubinage avec quelqu’un du sexe opposé avant l’âge de 15 ans. La proportion des femmes de 20 à 49 ans qui étaient mariées ou qui vivaient en concubinage avec quelqu’un du sexe opposé avant 18 ans était de 31,7% et la proportion des hommes de la même tranche d’âge était de 6,1%.
Figure 25 : Evolution de la proportion de femmes âgées de 20-24 ans mariées ou en unions avant l’âge de 18 ans
Source : INSAE, MICS 2014, EDSB-V, juin 2019
Sur la période 2014-2018, la proportion de femmes de 20-24 ans déjà mariées ou en unions avant l’âge de 18 ans est passée de 24,9% en 2014 à 29,3% en 2018 d’après les résultats de l’EDSB-V contre seulement 5% chez les hommes. Pire, il est noté que 4,2% des jeunes femmes de 15-19 ans et 9,4% de celles de 20-24 ans avaient déjà contracté une première union avant d’atteindre 15 ans exacts. Malgré cette baisse relative, l’évolution obtenue n’augure pas de l’atteinte de la cible de 0% projetée pour 2030 dans le cadre de la réalisation de l’agenda 2030, si la tendance actuelle observée se maintenait.
Tout comme la pauvreté monétaire, le mariage précoce persiste en milieu rural. La période 2014-2018 a été marquée par un léger accroissement du phénomène en milieu rural. En milieu urbain, cet accroissement est plus prononcé. 
De fortes disparités régionales sont aussi relevées. En effet, les départements du Littoral, du Couffo, du Plateau et de l’Atlantique restent toujours moins touchés par le phénomène de mariage précoce ; mais avec une tendance baissière dans le Plateau contre une tendance baissière dans le Littoral, le Couffo et l’Atlantique. A l’opposée, les départements de l’Alibori, de l’Atacora et du Borgou sont les départements les plus touchés le phénomène. Les autres départements affichent des proportions moyennement élevés ou faibles.
Tableau 59 : Proportion de femmes âgées de 20-24 ans mariées ou en unions avant l’âge de 18 ans par milieu de résidence et par département
Département
2014
2018
Alibori
50,0
48,2
Atacora
28,4
33,0
Atlantique
14,3
19,9
Borgou
39,3
42,8
Collines
25,5
31,9
Couffo
13,1
19,1
Donga
29,3
22,9
Littoral
10,6
10,8
Mono
20,5
23,8
Ouémé
17,3
21,6
Plateau
24,6
19,7
Zou
36,4
26,3
Ensemble
24,9
29,3
Urbain
15,7
21,0
Rural
35,0
35,2
Source : INSAE, MICS 2014, EDSB-V, juin 2019
Par ailleurs, d’après les données de l’EDSB-V, le niveau d’instruction influence l’âge à la première union. En effet, plus le niveau d’instruction augmente, plus l’âge à la première union est retardé.
En outre, sur la période 2015-2018, le nombre de cas relatifs à la violence sexuelle reçus dans les structures de prise en charges a atteint 2 321 en 2018 contre 856, 920 et 1 055 respectivement en 2015, 2016 et 2017.


Cible 5.5 : La pleine et effective participation des femmes et leur accès sur un pieds d’égalité aux fonctions de direction à tous les niveaux de décision, dans la vie politique, économique et publique, s’est globalement détériorée sur la période 2015-2018 malgré les discours volontaristes tenus de part et d’autre en faveur de la promotion de la femme.

Depuis 2015, après la proclamation des résultats définitifs des élections législatives de 2015, 8,43% de sièges de l’Assemblée Nationale sont occupés par les femmes et cette proportion est restée inchangée pour la 7ème législature (2015-2019), étant donné que le parlement se renouvelle seulement tous les quatre ans. Il en est de même des conseils communaux qui se renouvellent tous les cinq ans. Ainsi, depuis 2015, la proportion de femmes conseillères communales est de 4,45%.
Par contre, la proportion de femmes ministres a baissé, passant de 20% en 2015 à 14,28% en 2016 puis à 18,18% en 2017-2018 au terme de trois remaniements ministériels. Cette situation est d’autant plus regrettable que la nomination de femmes ministres au gouvernement dépend essentiellement du seul pouvoir discrétionnaire du Président de la République.
Par ailleurs, en considérant certaines institutions où l’accès se fait soit par nomination ou par élection, on y retrouve en général environ 16% de femmes, variant entre 10% (Conseil Economique et Sociale) et 28,6% (Cour Constitutionnelle, mandature 2013-2018). Ainsi, aucune institution de la République ne compte actuellement une présence féminine à hauteur de 30%. Le taux le plus élevé sur la période 2015-2018 est de 28,6%. 
Tableau 60 : Situation de la présence des femmes au sein de certaines institutions au Bénin
Quelques institutions
Total
Nombre de femmes
Proportion
Cour constitutionnelle (2013-2018)
7
2
28,6
Haute Cour de Justice
13
2
15,4
Commission Electorale Nationale Autonome
4
1
25,0
Haute Autorité de l'Audiovisuelle et de la Communication
9
2
22,2
Conseil Economique et Sociale
30
3
10,0
Ensemble
63
10
15,9
Source : Tableau constitué par les Consultants à partir des données de la revue documentaire, juin 2019
Par ailleurs, certaines institutions comme la HAAC et le CES n’ont jamais été dirigées par des femmes.
Au niveau de la magistrature, la situation des femmes n’est pas reluisante. Sur près de 200 magistrats que compte le Bénin, on compte 19 femmes qui sont actuellement en fonction dont : (i) huit (08) au niveau des tribunaux de première instance ; (ii) six (06) femmes magistrats siègent à la cour suprême ; (iii) deux (02) ont des postes de responsabilité au ministère de la justice, l’une comme directrice de cabinet et l’autre Directrice de l’enfance ; (iv) deux (02) nommées à la Cour de Répression des Infractions Economiques et du Terrorisme (CRIET) ; et (v) une (01) nommée à la Haute Cour de Justice.
Au niveau des Collectivités Territoriales, comme on peut le constater, il n’y a qu’une seule femme sur les 12 Préfets. On pourrait alors se demander s’il manque des femmes compétentes et disponibles pour prendre la tête d’une collectivité territoriale.
Par ailleurs, en 2015, les femmes consacraient 21,6% de leur temps journalier aux soins et travaux non rémunérés, soit environ 5 heures 11 minutes 30 secondes dans une journée. Ce temps consacré par les femmes à des soins et travaux non rémunérés varient d’un département à un autre.
Tableau 61 : Pourcentage de temps consacré à des soins et travaux non rémunérés par les femmes
Milieu de résidence
Situation en 2015
Alibori
23,4
Atacora
24,9
Atlantique
19,0
Borgou
23,4
Collines
20,9
Couffo
23,3
Donga
20,5
Littoral
19,8
Mono
19,0
Ouémé
21,2
Plateau
21,0
Zou
23,4
Ensemble
21,6
Urbain
21,2
Rural
22,0
Source : INSAE, EMICoV 2015
Dans les départements du Mono, de l’Atlantique, du Littoral et de la Donga, les femmes consacrent moins de temps à des soins et travaux non rémunérés que dans les autres départements. La situation est plus critique dans l’Atacora où les femmes consacrent environ le quart d’une journée à des soins et travaux non rémunérés.
Au regard de cette situation, on est en droit de conclure que l’écart homme-femme est considérable et que beaucoup d’efforts restent à faire pour favoriser l’égalité des sexes et être en conformité avec les engagements internationaux et régionaux pris par le Bénin.
Tableau 62 : Indicateurs sur les femmes dans les instances de décision politiques, économiques et  publiques
Indicateurs
2015
2016
2017
2018
Proportion de sièges occupés par des femmes dans les parlements nationaux
8,43
8,43
8,43
8,43
Proportion de femmes ministers
20,0
14,28
18,18
18,18
Proportion de femmes conseillères communales
4,45
4,45
4,45
4,45
Proportion de femmes occupant des postes de direction
11,4
-
-
-
Pourcentage de temps consacré à des soins et travaux non rémunérés par les femmes
21,6
-
-
-
Source : INSAE, EMICoV 2015, données de la revue documentaire, juillet 2019
Pour les acteurs de la Société Civile, la nette régression observée vient de de la suppression, en 2016, du Ministère de la Famille pour son érection en Direction en charge de la femme et du Genre. Cette situation n’a pas favorisé l’évolution de la situation pour tendre vers l’atteinte de l’objectif. En outre, les pratiques des textes, lois votées et promulguées demeurent un recul dans la perspective d’atteinte des cibles fixés en matière de promotion du genre.
Le cadre de mise en œuvre des ODD pour la période 2015-2018 reste globalement marqué par l’existence, outre les lois, de politiques, stratégies et programmes visant la promotion des femmes et l’élimination de toutes formes d’inégalités entre hommes et femmes. Il s’agit : (i) des Etudes Nationales de Perspectives à Long Terme (NLTPS, Alafia 2025) ; (ii) du Plan National de Développement (PND) ; (iii) du Programme d’Actions du Gouvernement (PAG) et son arrimage aux ODD ; notamment l’ODD N°5 relative à l’égalité des sexes ; (iv) du Programme de Croissance pour le Développement Durable (PC2D 2017-2021) ; etc.
On note également la Déclaration de la Politique de Population du Bénin de juin 2006, qui vise à travers son objectif 9 à « créer les conditions favorables à une pleine participation des femmes au processus de développement et à la jouissance des fruits qui en découlent » ; la Politique Nationale de Promotion du Genre dans les Opérations de Paix ; la Politique Nationale de l’Education et de la Formation des filles ; le document de stratégie genre en milieu de travail privé, adopté en 2007 et visant à réduire les inégalités femmes/hommes en milieu de travail privé et dans la fonction publique ; le guide d’intégration du genre dans les politiques, plans, programmes et projets de développement ; la politique Nationale de Promotion du Genre et son plan d’actions adoptée en 2009 avec un plan quinquennal ; et le maintien de l’Institut National de Promotion de la Femme (INPF) dont les actions sur le terrain ont baissé d’ampleur. Par ailleurs, il urge de signaler la mise en place du compendium des compétences féminines et l’initiative d’installation des cellules « Genre » dans les Ministères. L’existence de ces cadres législatif, institutionnels, règlementaires, etc confortent le travail des OSC dans les communautés.
Plusieurs Projets et Programmes financés par les Partenaires Techniques et Financiers accompagnent le pays sur ce chantier de promotion de la femme. A titre d’exemple, on peut citer le Programme de Renforcement des Capacités d’Action des Femmes (RECAFEM 4) financé par la Coopération Suisse depuis 2003, qui est à sa quatrième phase et dont l’objectif est d’atteindre des progrès significatifs en vue de l’égalité homme/femme dans les domaines social, culturel, juridique et économique.
Aussi, faut-il reconnaitre l’effort des organisations de la société civile qui s’évertuent dans la participation de la femme aux instances de prise de décisions et à assurer le suivi de l’application des traités et accords ratifiés par le Bénin. En effet, au cours de la période 2015-2018, des actions ont été menées par les OSC pour lever les goulots d’étranglements et ainsi relever le niveau de participation de la femme à l’animation de la vie sociale, économique et politique.
Par ailleurs, les plaidoyers sur l’accès au foncier et sur la médiation foncière, les sensibilisations sur la loi relative aux Violences Basées sur le Genre (VBG) au profit des communautés dans les douze départements du Bénin, les sensibilisations des filles dans les écoles et des parents pour la dénonciation de tous acteurs des violences faites et les harcèlements sexuels sont aujourd’hui choses courantes. La mise en œuvre de la quatrième phase du Programme RECAFEM a permis le renforcement des capacités de 150 jeunes femmes en leadership, en communication et en gestion. Le Programme PartiCiP s’est focalisé aussi sur ce volet et les Cellules de Participation Citoyenne (CPC) mises en place par l’ONG ALCRER et le Réseau Social Watch Bénin ont été formées à cet effet. Ainsi, les femmes ayant subi la violence basée sur le genre sont prises en compte à travers des séances d’orientation, d’écoute, de conciliation…
Pour les enfants, les sensibilisations grande écoute à la radio des leaders d’opinion, des femmes responsables de la gestion des marchés du Mono, des chefs centres des vidéo clubs de la commune de Comé ont été faites sur les instruments de protection des droits de l’enfant.
En outre, au sein des OSC, on remarque de plus en plus que les femmes occupent des postes décisionnels dans les conseils d’administration.
L’une des principales contraintes de la réalisation de l'égalité du genre et de l'autonomisation des femmes et des filles reste la réelle traduction de la volonté politique en acte. En effet, en analysant le rapport sur les cibles ODD priorisées au Bénin, on note qu’il n’y a qu’un seul projet (sectoriel) du PAG qui adresse véritablement les préoccupations en lien avec la cible 5.5 relative à la participation des femmes aux fonctions de direction à tous les niveaux de décision. Par ailleurs, dans les postes nominatifs, très peu de femmes sont promues, bien que remplissant toutes les conditions exigées pour ce poste.
Une analyse comparative entre la législation et les instruments ratifiés permet de constater que : (i) bien que le principe de l’égalité des sexes soit consacré par notre Constitution, la jouissance de cette égalité n’est pas évidente dans les faits, de sorte qu’il y a un fossé entre les dispositions légales et les réalités du terrain ; (ii) qu’il y a des domaines où l’accès des femmes souffre de contraintes à caractère non légal, provenant de facteurs d’ordre socio-culturel. C’est le cas de la participation de la femme à l’animation de la vie politique.
Pour ce cas spécifique, les entretiens réalisés dans le cadre de cette mission ont permis de déterminer quelques facteurs de blocage de la participation des femmes en politique. Selon les femmes, les raisons qui expliquent la non-participation des femmes en politique sont prioritairement du fait des hommes. Elles estiment que même si la femme obtient l’accord de son mari, celui-ci n’est pas prêt à consentir les sacrifices qui découlent de l’implication de son épouse dans les actions et les réunions politiques. A cette principale raison, s’ajoutent : (i) le faible engagement des femmes elles-mêmes ; (ii) le faible niveau d’instruction des femmes ; (iii) le financement des actions de propagande ; (iv) le harcèlement sexuel ; (v) la calomnie ; et (vi) les pratiques occultes. Selon les hommes, ils reconnaissent en grande majorité l’influence qu’ils exercent sur leurs femmes quant à leur implication en politique. Mais, ils évoquent, outre les facteurs évoqués par les femmes : (i) la situation et la moralité de certaines femmes leaders qui drainent le mouvement ; et (ii) la jalousie entre femmes.
L’analyse minutieuse du faible engagement des femmes en politique révèle que leurs conditions d’entrée en politique est déterminante pour un militantisme réussi. Ce constat est revenu plusieurs fois et les femmes elles-mêmes en sont conscientes. D’ailleurs, elles soutiennent que, tant que les femmes ne s’engagent véritablement et militent dans les partis politiques, le changement désiré ne s’observera pas.
Ces facteurs se révèlent être des tendances lourdes sur lesquelles il urge de se pencher car ils sont les mêmes que ceux identifiés par Solange ALITONOU BANKOLE & al (novembre 2018) dans le rapport de l’étude monographique sur la participation politique des femmes en Afrique de l’Ouest (cas du Benin).
De nombreux défis se posent au Bénin dans le cadre de la réalisation de l'égalité du genre et de l'autonomisation des femmes et des filles. Ce sont, entre autres : (i) la prise en compte du compendium des compétences féminines dans le processus de nomination et de recrutement à des postes de direction ; (ii) la généralisation et l’opérationnalisation des cellules « Genre » dans tous les Ministères et institutions de l’Etat ; (iii) la poursuite du renforcement des capacités en genre des cadres en charge de la planification et l’exécution des actions, ainsi que des acteurs de la chaine de décision ; et (iv) le renforcement des capacités du ministère en charge des affaires Sociales pour l’appropriation de la méthodologie de calcul de l’Indice de Condition de la Femme et sa publication régulière.
Au plan institutionnel, il faut (i) renforcer le dialogue politique avec les PTF dans le cadre du groupe de travail par une participation effective des décideurs au dialogue politique ; (ii) l’opérationnalisation effective du Conseil National de l’Equité et de l’Egalité de Genre pour améliorer le dialogue politique à l’intérieur de la société béninoise ; et (iii) le renforcement des activités de l’Institut National pour la Promotion de la Femme (INPF) par une allocation budgétaire conséquente.
Ainsi, pour espérer être au rendez-vous de 2030 pour l’ODD 5, les diverses actions/mesures ou politiques spécifiques doivent être envisagées et aller dans le sens : (i) de l’atténuation de l’effet des pesanteurs socioéconomiques et culturelles par une politique d’éducation et de sensibilisation intensive des femmes sur leurs droits, en outillant davantage les structures de prise en charge des cas de violence faite aux femmes pour améliorer l’efficacité de leurs interventions ; (ii) du renforcement de l’application effective du Code des Personnes et de la Famille et un engagement plus marqué des autorités politiques à tous les niveaux ; (iii) de la promotion de centres de formation, d’information et d’éducation pour les femmes adultes ; (iv) du renforcement des activités d’alphabétisation, surtout au profit des femmes et la promotion de la formation des jeunes filles dans les filières où elles sont faiblement représentées ; (v) de l’amélioration de la participation des femmes aux instances de prise de décision à travers le renforcement de leur militantisme et de la solidarité entre femmes, la sensibilisation en vue d’une plus grande mobilisation du soutien des hommes aux femmes, et des plaidoiries pour l’obtention d’une plus grande volonté politique en faveur de la cause féminine ; (vi) du renforcement de l’autonomisation des femmes. Il est à souligner également la lutte contre toutes les formes de violences faites aux filles et aux femmes, violences qui sont de nature à asservir la gente féminine ; du renforcement de la lutte contre la pauvreté en favorisant l’accès aux services financiers et aux moyens de production aux femmes et aux jeunes.
Pour une meilleure efficacité du cadre législatif, les OSC proposent l’adoption d’un texte spécifique sur l’égal accès des femmes et des hommes aux postes de décisions. En effet, un texte pareil permettra de faire face à la tendance actuelle selon laquelle, il y aurait seulement 7 femmes sur 83 députés à l’assemblée soit 8,43%, 64 femmes conseillères sur 1435 conseillers communaux et 3 femmes maires sur 77. Spécifiquement, les OSC ont identifié les défis ci-après à relever. Il s’agit de : (i) la promotion des femmes à des fonctions électives au niveau local ; (ii) la lutte contre la violence et les pratiques préjudiciables aux Femmes ; (iii) l’opérationnalisation et/ou la mise en application effective des différents textes et lois ; et (iv) l’amélioration du cadre institutionnel pour la prise en charge des victimes de violences.
Sur la base de ces défis, la stratégie locale proposée par les OSC passe par : (i) la promotion des femmes à occuper des fonctions électives au niveau local ; (ii) l’intégration de l’égalité des sexes dans tous les domaines de travail ; (iii) l’identification des cas de violence et les pratiques préjudiciables aux femmes ; (iv) la lutte contre les grossesses en milieu scolaire ; et (v) la répression des cas de viols de jeunes filles.
Les différentes actions d’ordre législatif, réglementaire et opérationnelles, bien qu’importantes, n’ont pas véritablement amélioré l’accès des femmes aux instances de prise de décision et l’évolution obtenue n’augure pas de la réalisation de l'égalité du genre et de l'autonomisation des femmes et des filles d’ici 2030, si la tendance actuelle observée se maintenait.  Des mesures spécifiques sont donc à envisager afin d’améliorer la situation actuelle et espérer être au rendez-vous de 2030.



[1] Wildaf Bénin, PROJET MAANDA, étude juridique de référence sur les pratiques traditionnelles néfastes au Bénin, notamment, le mariage précoce dans les départements de l’Atlantique, de l’Atacora et du Couffo

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